POURQUOI TU DEVRAIS PARLER AUX INCONNUS #7 – AU SUD DE L’ÎLE DU SUD DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE


CES RENCONTRES SUR LA ROUTE… OU AILLEURS

SEPTIÈME ÉPISODE : AU SUD DE L’ÎLE DU SUD DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE

 (Read me in English, baby!)


En voyage, on recueille sans le chercher pleins de petits actes de générosité gratuite. On y est sûrement plus ouverts, plus dépendants aussi. Ici, j’ai voulu partager ces rencontres, ces actes de générosité, ces surprises, et ce que j’en ai retiré. J’ai pleins de petites histoires en stock que j’aimerais développer et j’espère que cette petite série aura le mérite d’apporter un regard différent et optimiste sur le monde.

Moi, j’te le dis. Tu peux parler aux inconnus. C’est que du bonheur.


DUNEDIN – INVERCARGILL – STEWART ISLAND (NOUVELLE-ZÉLANDE)

NOVEMBRE 2015

Dimanche matin. Je descends du bus qui m’a ramenée à Dunedin. J’ai encore la tête qui tourne des vertes collines de Portobello et de ses soirées d’enfer. Ma pancarte est prête. Aujourd’hui, je fais du stop jusqu’à Invercargill, tout au sud de l’île du sud, parce que le lendemain matin je traverse le détroit de Foveaux pour Stewart Island. Je m’en vais entamer un volontariat d’un mois sur cette petite île du Sud.

Je suis devenue plus confiante en auto stop. On peut même dire que je tombe follement amoureuse du sentiment de liberté que ça m’apporte. Dans ces moments-là, mon quotidien ressemble à une page blanche qui se remplirait toute seule de n’importe quelle situation intéressante qui se présenterait à moi.

Les seules limites sont celles que je décide pour moi-même : entre ce moment et demain matin, il y a assez de temps et d’espace pour que la vie me tombe dessus avec son lot de surprises.


LA ROUTE PRÉFÉRÉE DE THOMAS

Je transbahute Monster le long de cette route à la recherche d’un endroit où faire du stop. Un panneau Invercargill avec une zone de stationnement juste devant – c’est parfait! Je lève mon pouce et sourit de toutes mes dents de traviole et voilà qu’en moins de dix minutes Thomas s’arrête. Il s’apprête à rentrer chez lui, à Invercargill. Ça tombe bien, je vais pouvoir faire la route vers le Sud d’une traite avec lui. Il bosse dans une entreprise appelée Trucks Stop, il se balade dans toute l’île du sud pour le boulot. Il vient juste de passer le week end à Dunedin. Il n’aime pas trop la route jusqu’à Invercargill, qu’il trouve ennuyeuse. Du coup, il est tout content d’avoir de la compagnie.

On sait jamais trop comment le trajet va se passer en autostop. Si la personne qui conduit va être sympa, bavarde, timide ? Est-ce qu’on va partager quelques histoires et nos centres d’intérêts ? Ou va-t-on s’ignorer dans un silence pesant ? Peut-être que le chauffeur va s’avérer être un sacré connard, qui sait. Ou qu’au contraire, une amitié incroyable va se nouer dans cette voiture. C’est toujours intimidant d’engager la conversation avec un parfait inconnu. Quand bien même on est supposé partager la même voiture pendant plusieurs heures.

Mais Thomas me met tout de suite à l’aise. On parle de mille et un trucs, le courant passe bien. Il décide que tant qu’à faire, c’est mieux de prendre la Scenic Route (route panoramique), pour que j’en puisse prendre pleins les yeux lorsqu’on va traverser les Catlins. Parce que c’est son endroit préféré en Nouvelle Zélande. Je suis vraiment touchée par l’attention, sachant que traverser les Catlins fait quand même un sacré détour sur nos trois heures initiales de voyage. Honnêtement, j’ai l’impression d’être la meuf la plus chanceuse du monde.


Alors qu’on traverse les Catlins, tout est si paisible dehors, si vert, si sauvage, qu’on s’est tous les deux arrêtés de parler. Il y a juste l’immensité sauvage qui nous entoure, l’océan et les vagues démentes qui s’abattent contre les rochers sur notre gauche. Et cette gratitude qui me brûle la poitrine. Je me demande encore ce à quoi pouvait bien penser Thomas à ce moment-là. Était-il heureux d’avoir montré quelque chose d’aussi intime et personnel que son endroit préféré à une Française qui passait par là ? Ou bien ressentait-il seulement cette douce sérénité d’être de retour dans cet endroit familier ? Je saurais jamais. J’ai pas osé demander. Je pouvais pas briser ce silence, qui pour une fois n’avait rien d’inconfortable.

Quand Thomas me dépose à l’I-Site (l’office du tourisme) de Invercargill, il me donne sa carte pour que je le contacte quand je reviendrais de Stewart Island. Il a d’autres endroits à me montrer. Je souris. Je commençais tout juste à sentir les papillons au creux de mon estomac que Thomas disparaît de ma vie aussi soudainement qu’il était apparu quelques trois heures plus tôt.

Bien que j’aie réussi à joindre Thomas un mois plus tard, on a jamais eu l’opportunité de se revoir. Ce qui est sûr, c’est que c’est bien grâce à des gens comme Thomas que je suis tombée amoureuse de l’autostop et de rencontrer de parfaits inconnus. (Thomas, si tu lis ça un jour, MERCI pour ces trois heures.)


HELLO INVERCARGILL!

Je pars explorer le coin, Tomas m’a dit d’aller voir les Tuatara au Southland museum. Les Tuatara sont de petits reptiles endémiques de Nouvelle Zélande, et bien qu’ils ressemblent à des lézards, ils font en fait partie d’une autre famille qui regroupe à la fois les lézards et les serpents. Leur espèce est menacée et particulièrement importante puisqu’elle existait déjà il y a 200 millions d’années (ouais, je sais, c’est la grande classe). L’autre particularité, c’est qu’ils ont un 3ème œil, dont personne n’arrive à déterminer avec certitude l’utilité. Certains scientifiques pensent qu’il serait photosensible, ce qui permettrait aux Tuatara de réguler leur température corporelle en déterminant les cycles de lumière et d’obscurité.

Tuatara!

Je sais que c’est stupide, mais vu que les Tuatara sont une espèce très ancienne, je m’imaginais quelque chose de plus… impressionnant. Un peu comme un dinosaure, tu vois. Il s’avère que les Tuatara sont assez petits, 60 cm de longueur pour les mâles et 45 cm pour les femelles. Je les trouve quand même super intéressants, avec leurs crêtes sur le dos ils ressemblent à de petits crocodiles.

Derrière le musée s’étendent les Queen Gardens, où la balade est très agréable en cette fin d’après-midi. Il y a même une immense volière avec pleins de perroquets et d’oiseaux endémiques. Je me balade ensuite dans la ville en elle-même, qui compte quelques bâtiments plutôt cools, dans un esprit art-déco.



RENCONTRER DES GENS DANS LES CUISINES D’HOSTELS:UNE ESCAPADE AVEC GARY

Revenue au backpacker après avoir fait quelques courses, toute à mes rêveries d’un bon dîner et d’aller bouquiner au calme dans mon lit, il y a Gary qui toque à ma porte. Gary je l’ai croisé dans la cuisine quand je suis arrivée. C’est un écossais qui s’est installé en Nouvelle Zélande il y’a au moins 30 ans. Il a un accent à couper au couteau, sûrement un mix entre l’accent écossais, l’accent kiwi et l’accent que t’as quand t’as quelques dents en moins. Il parle un peu français. On rigole bien. Il est venu quelques jours à Invercargill parce qu’il y’avait des courses de moto. Et Gary, il kiffe la moto.

Quand il toque à ma porte ce soir-là et me demande si j’ai une voiture. « Non ? Ben allez viens je t’emmène on va faire un tour à la plage pour le coucher du soleil! » C’est parti pour Oreti Beach, une plage où tu peux rouler dessus avec ta voiture (comme dans le Northland ! Je n’arrêterais pas, d’ailleurs, de faire le jeu des ressemblances entre le Southland et le Northland.) C’est sur cette plage qu’il y avait les courses de moto le week-end précédent. C’est superbe ici. Apaisant. Le soleil baigne tous les alentours de sa chaleur. C’est la fin de la journée, mais comme on est en été, le soleil ne se couche pas avant 21h30-22h.

Lorsque j’avoue à Gary que je ne suis pas non plus allée à Bluff et que je n’aurais surement pas le temps demain d’y faire un tour avant d’embarquer sur le ferry, il décide qu’il faut absolument que je vois la vue de là-bas avant de partir. Bluff, c’est  la ville la (presque) plus au sud de l’Île du Sud de la Nouvelle-Zélande. On grimpe sur Bluff Hill et là on a une vue à couper le souffle sur la baie et Stewart Island, juste en face de nous. Le soleil se couche doucement et le ciel se teinte de roses et d’orangés éclatants. Je suis en train de rêver, non ? Il y a quelque chose de presque trop improbable et imprévisible dans cette journée que j’ai du mal à croire que je suis ici, à en prendre plein les mirettes. Alors que j’ai encore la tête dans les nuages, Gary m’embarque pour Stirling Point où il y a des panneaux sembables à ceux que l’on trouve à Cape Reinga, le point le (presque) le plus au Nord de l’Île du Nord de la Nouvelle-Zélande – maintenant à quelques 1 401 km de moi.

J’étais pour la première fois à Cape Reinga il y a un peu plus de 3 mois. On peut dire maintenant que j’ai traversé la Nouvelle Zélande du Nord au Sud, même si j’ai encore pleins de trucs à voir sur les côtés et vers le milieu. Je suis un peu émue, je pense à Anaïs, avec qui j’avais partagé la découverte du Northland lors d’un roadtrip plus qu’épique. Et je suis reconnaissante d’avoir trouvé Thomas, puis Gary sur mon chemin aujourd’hui, sinon j’aurais probablement loupé les Catlins et les fameux panneaux de Bluff.

Dans la voiture, Gary m’explique qu’il a laissé sa femme à la maison mais il est pas tranquille, elle a une tumeur au cerveau, inopérable, et du coup elle oublie beaucoup de choses. D’ailleurs, depuis que les médecins lui ont découvert la tumeur, ils vivent plus en colocation qu’autre chose. Tout son comportement a changé, ce n’est plus la même personne. Il a quand même laissé des Post-It partout et des numéros de téléphone en cas d’urgence. Mais il me dit qu’il avait besoin de ce « time off », loin de tout ça. Je hoche la tête et reste silencieuse. Qu’aurais-je pu dire ? J’espère juste que notre escapade lui a insufflé autant de joie qu’à moi.


RENCONTRER DES GENS SUR LE FERRY : CLÉMENTINE L’INTRÉPIDE

Le lendemain matin, je prends le bus devant l’I-Site, puis le ferry depuis le port de Bluff. Mon amie Selena m’a raconté que quand elle a traversé, il y a quelques semaines de cela, la mer était si agitée que la plupart des passagers se sont mis à vomir. Elle m’a dit que c’était la traversée la plus horrible de sa vie. J’ai jamais eu le mal de mer, mais quand même, j’appréhende un peu. Il semble faire beau aujourd’hui, je croise les doigts pour que la mer soit calme.

Dans la navette pour le port de Bluff, je rencontre Clémentine. C’est une française aussi. Elle va sur Stewart Island pour randonner le North West Circuit, un track de 10 jours de marche. Le backpack de Clem il ressemble encore plus à un monstre que mon Monster. En même temps, il lui faut de quoi se nourrir pour 10 jours, un réchaud, une tente, un sac de couchage. Ça pèse ! On papote bien avec Clémentine, j’aime bien se personnalité. Je l’envie un peu, c’est une vraie baroudeuse cette fille ! Elle me raconte la fois où elle a fait le G20 en Corse et cette fois où elle a randonné le Mont Blanc. Elle compte d’ailleurs randonner son chemin de retour vers Auckland en allant du Sud vers le Nord, en randonnant (entre autres) le Kepler Track, le Routeburn, le Heaphy et Abel Tasman. Quelle meuf ! Je l’écoute, avec chaque fibre de mon être bouillonnante d’être un peu plus comme elle : forte, indépendante, intrépide.

Finalement la traversée du détroit de Foveaux se passe sans encombre. La mer est calme, le soleil brille, le temps est vraiment idéal pour être en mer. A bord, je papote un peu avec des locaux, ils semblent tous connaître le Stewart Island Smoked Salmon (SISS pour les intimes), l’entreprise de saumon fumé où je vais faire du HelpX pendant un mois.

Arrivée au port de Oban, la seule et unique « ville » de Stewart Island, je donne mon numéro à Clémentine. J’espère qu’elle m’appellera quand elle finira son circuit, pour qu’elle me raconte tout ça ! Je veux connaître tous les détails de son aventure, j’ai tellement de questions sur les randonnées en solo !

J’étais vraiment à mille lieux de me douter que je reverrais Clémentine bien des fois après que l’on se soit quittée au port d’Oban. On travaillera ensemble dans un restaurant de Te Anau, elle m’aidera à préparer mon sac pour ma randonné solo sur le Kepler Track, on se retrouvera même ensuite à Bali, puis à Marseille. C’est grâce aux personnes comme Clémentine que je me suis mise à partir sur les chemins de randonnée: il semblerait bien que je ne sois pas en reste, coté intrépidité !


HELLO STEWART ISLAND !

Stewart Island, la 3ème île de Nouvelle Zélande. 1 746 km². Environ 400 habitants. 80% de l’île est un parc national, le Rakiura National Park. Moins de 28 km de routes. Plus de 280 km de chemins de rando. D’ailleurs, l’île est traversée par trois grands tracks de randonnées, le Rakiura Track qui est une des 9 Great Walks (32 km), le North West Circuit (125 km) et le Southern Circuit (71,5 km).

Stewart Island c’est aussi Rakiura pour les intimes, qui veut dire « glowing skies » en Maori, « cieux qui brillent » en références aux Aurora Australis, les Aurores Australes. Le nom Maori d’origine, Te Punga o Te Waka a Maui, « L’Ancre du canoë de Maui » réfère à la légende qui raconte la formation de la Nouvelle Zélande : Stewart Island serait l’Ancre de l’Île du Sud (le Canoë) sur lequel Maui, grand héros de la mythologie Maori, a attrapé un Poisson, l’Île du Nord.

Ici, grâce à l’absence de prédateurs, les oiseaux sont rois. Kiwi, Weka, Kaka, Kereru, Fantail, Yellow Eyed Penguin, Sooty Shearwater, Muttonbird, Silvereye, Tomtit, etc. Plusieurs espèces endémiques, plusieurs espèces protégées. Le paradis des ornithologistes, notamment sur Ulva Island, une petite île au large de Stewart Island, appelée carrément « sanctuaire pour oiseaux ». Je vais pouvoir observer ici la plupart des oiseaux de mon livre.  


Des Aurores Australes, des oiseaux qui volent pas, des randonnées. Des hectares de forêt et la mer tout autour. Je m’en vais vivre sur une île pleine de promesses pendant un mois.

Je viens d’y poser le pied, en cette belle journée, que je sais déjà avec certitude que ce sera une aventure inoubliable. Je ne savais pas que le mois suivant je louerais une voiture pour la première fois pour explorer les Catlins, ni à quel point Clémentine et moi nous nous lierons d’amitié au fil du temps (on s’est encore écrit hier !)

(À SUIVRE, BÉBÉ!)


Y ALLER :

THE CATLINS, emprunter la Southern Scenic Route entre Dunedin & Invercargill

SOUTHERN COMFORT BACKPACKERS, 30 Thomson St, Invercargill

QUEENS PARK, Gala St, Invercargill

INVERCARGILL SOUTHLAND MUSEUM, 108 Gala Street, Invercargill

ORETI BEACH, suivre Dunns Road, Otatara

BLUFF & SIGNPOST & BLUFHILL, Flagstaff Road, Bluff

FERRY STEWART ISLAND EXPERIENCE, Port de Bluff au port d’Oban

STEWART ISLAND SMOKED SALMON, 11 Miro Crescent, Oban


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