POURQUOI TU DEVRAIS PARLER AUX INCONNUS #1 – PREMIERE NUIT AU JAPON



CES RENCONTRES SUR LA ROUTE… OU AILLEURS

EPISODE # 1 – PREMIERE NUIT AU JAPON

(Read me in English, baby!)


« Ne parle pas aux inconnus ! » On a tous entendu ça à un moment ou un autre, plus particulièrement pendant l’enfance. L’inconnu est terrifiant, pétri de mauvaises intentions, surtout avec ses bonbons qui pétillent et ses manteaux d’hiver. Entendons-nous bien, c’est bien plus qu’un bon conseil pour les enfants, l’innocence de l’enfance étant étrangère à la méfiance, à la prudence, et on ne sait jamais ce qui pourrait arriver. Mais… Pourquoi ce conseil reste-t-il ancré en nous bien des années plus tard ? Est-ce vraiment à raison ? On n’en ferait pas un peu trop à se braquer comme ça devant les inconnus, et à ne se préoccuper que de notre petite bulle confortable ?

Ici je vais te démontrer par A + B comme finalement c’est vachement cool parfois de se laisser aller vers l’inconnu, du lui faire un peu confiance, et surtout de prendre le temps de… Simplement parler.

En voyage, on recueille sans le chercher pleins de petits actes de générosité gratuite. On y est sûrement plus ouverts, plus dépendants aussi. Ici, j’ai voulu partager ces rencontres, ces actes de générosité, ces surprises, et ce que j’en ai retiré. J’ai pleins de petites histoires en stock que j’aimerais développer et j’espère que cette petite série aura le mérite d’apporter un regard différent et optimiste sur le monde.

Moi, j’te le dis. Tu peux parler aux inconnus. C’est que du bonheur.


UNE RUE DE SHINJUKU, TOKYO, JAPON

JUIN 2015

Perdue dans Shinjuku.

Je suis perdue. Mon avion a eu du retard, j’ai loupé les derniers métros pour rejoindre mon hôte de Couchsurfing. Terriblement excitée d’être au Japon, je décide que je ne vais certainement pas passer ma première nuit nippone dans le hall d’un aéroport et j’embarque dans le dernier bus pour Shinjuku. Sans avoir une seule idée de ce que je pourrais bien faire une fois arrivée là-bas passé minuit. Je rencontre Holly et Jake dans le bus, deux Australiens qui me proposent de partager leur taxi. Ils me déposent près d’un capsule hotel, là, au bout de la rue. Sauf que… Je le trouve pas. Au Japon c’est un peu compliqué: les enseignes se lisent à la verticale, un building pouvant contenir à la fois des neko cafés, des agences de voyages, des auberges de jeunesse et des restos. Et ces enseignes sont en japonais, évidemment. Je continue d’errer, je suis à Tokyo bordel. Je finirais bien par trouver un hôtel pas cher, et en attendant, je vais découvrir un peu le coin. Je suis chargée, Monster me cisaille les épaules. Je réalise à peine que mon voyage commence, que je suis au Japon que j’ai tant rêvé, que je suis seule, et que je suis perdue dans cette mégalopole aux dimensions grandioses. Je m’assied sur un banc près d’un distributeur de boissons (il y a des distributeurs de trucs partout, c’est fou!), pour soulager mes épaules et étancher ma soif avec cette boisson inconnue au thé vert.

Plus tôt ce jour-là, je jure que j’ai vu l’Himalaya

Un japonais m’aborde, me demande si je vais bien et surtout mais qu’est-ce que je fous dans la rue à cette heure-là ! Je lui explique mes mésaventures et le capsule hotel que j’ai pas trouvé. Il a l’air déterminé à m’aider. Alors qu’il doit être 2 :00 du matin. Je trouve ça louche. Parce qu’en France, quelqu’un qui t’aborde en pleine nuit c’est louche, surtout si c’est un homme. Mais je suis fatiguée, excitée, et enfin bon… J’ai rien à perdre. C’est même la raison première qui m’a amenée là. Je finis par suivre Teiichi qui m’emmène dans son izakaya préféré, et je me retrouve dans un bar japonais traditionnel minuscule, dans une ruelle minuiscule avec d’autres izakaya du même type. Là je sens vraiment que je suis au Japon, et que cet endroit doit être rarement fréquenté par des touristes. L’izakaya est vide, excepté Hamachan au comptoir. Je suis un peu nerveuse, je commence à penser que l’entreprise de Teiichi ne va pas être gratuite. Ils ont quoi en tête les japonais ? Rêvent-ils de blondasses dans leurs fantasmes hentai ? Il me présente à Hamachan, me fait poser Monster dans l’arrière-boutique, se présente un peu. Il bosse dans l’édition et comme le veut la tradition il me donne sa carte de visite. C’est une coïncidence assez inattendue, étant donnée que j’étais libraire avant. Il est beaucoup au téléphone, il semble contacter des gens pour me trouver un endroit où dormir. Il me dit de me détendre, il s’en va faire des recherches. C’est quoi ce plan ?

Hamachan a été adorable avec moi!

Seule avec Hamachan, on papote un peu mangas, même si son Anglais est limité. Elle me sert tour à tour un thé au miel, une soupe aux algues, et des edamame (des fèves immatures de soja rehaussées au sel) puisque que je lui ai dit que ça faisait partie de mes mets japonais préférés. Je regarde ses figurines gashapon dans sa vitrine. Je lui montre celle de Creamy Mami et lui explique que je regardais cet anime à la télé quand j’étais gamine. Ca l’enchante tellement qu’elle me la donne ! Je refuse, mais elle insiste. Ce sera ma première tentative ratée de refus de générosité au Japon, et crois-moi, il y en aura pleins d’autres. On ne refuse pas de cadeaux de la part des Japonais, ça ne se fait pas. Je suis pas au bout de mes surprises, moi, cette nuit, puisque lorsque que Teiichi revient me chercher, je n’ai pas à payer pour le repas, c’est offert ! Par Hamachan ou Teiichi, je ne sais pas trop bien. En tous cas les bras m’en tombent.

Si tu as vécu dans les années 90, tu devrais connaître Creamy Mami!

Je suis Teiichi, toujours nerveuse. Notre Anglais est assez sommaire, alors je comprends juste qu’il a trouvé un endroit où je pourrais passer a nuit. Mais où ? Genre chez lui, chez ses potes, dans un hôtel ? Bon. J’essaie de me rappeler mes prises de Judo, mais avec Monster sur le dos, ça va pas être de la tarte. Je suis quand même vachement curieuse de la fin de cette (més)aventure. Finalement, Teiichi m’emmène dans un hôtel spa… réservé aux femmes. Teiichi se charge de la réservation, le personnel ne parlant pas un mot d’Anglais (salut, je viens de débarquer et je ressens déjà l’immersion totale), et s’apprête à partir, à me laisser, comme ça. Je tente de le retenir, tu sais, genre avec moults mercis et je lui demande si je peux faire quelque chose en échange (en pensant ‘pitié tout sauf du sexe, quoi’.) Il n’y a pas de problèmes, il a fait ça pour m’aider, mais là il est un peu pressé, il faut qu’il rentre chez lui, ça l’a un peu retardé ces histoires. J’en ai les bras ballants. Pour la première fois de ma vie, je mesure ce qu’il vient de m’arriver. Pour la première fois de ma vie, je me prends de la générosité gratuite dans la gueule. J’en frissonne.

Dans l’izakaya Hamachan

L’hôtel dans lequel m’a déposée Teiichi, est un hôtel spa, avec des douches chaudes, des bains à bulles, des bains chauds, etc. C’est plus que bienvenu à cette heure tardive, il est presque 4 :00 du matin et je barbote dans les bains à bulles. Je suis l’exemple de cette japonaise souriante parce que j’ai peur de commettre un impair – je sais que le rituel des bains au Japon est très codifié, et je suis effrayée à l’idée de mal faire. Cette dame ne parle pas un mot d’Anglais quand je lui demande comment je dois me laver avant d’aller aux bains, mais son sourire irradie, alors je regarde juste ses gestes et je fais tout comme elle.

Je finis ma longue nuit dans un dortoir rempli de bonnes femmes, sur un tatami inconfortable en cuir, habillée d’un yukata de nuit fourni par l’hôtel.

Finalement, tout ce qu’il me reste de Teiichi c’est une carte de visite et cette photo floue

J’ai le décalage horaire en pleine gueule, j’ai l’impression de flotter. Je réalise pas bien les dernières heures qui viennent de passer.

Putain, je suis au Japon quoi !



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